Le Mile-End a longtemps été le berceau d’artistes, de musiciens et de créateurs de tous horizons. Ses rues sont bordées de cafés, de boutiques singulières, et de restaurants pittoresques qui ont contribué à forger au quartier une identité singulière et unique. Cependant, au fil des années, de nombreux locaux commerciaux demeurent de plus en plus inoccupés, laissant derrière eux des espaces vides qui étaient autrefois le cœur battant d’une communauté multiculturelle. Les artères commerciales sont en déclin et le rôle primordial pour garantir la présence de services de proximité tend à disparaître. Certains commerces sont encore des lieux de socialisation qui jouent un rôle majeur dans la cohésion sociale du quartier et les artères commerciales sont aujourd’hui davantage des artères «non résidentielles» où se mélangent plusieurs usages et fonctions qui dépassent la vocation commerciale.

Plusieurs facteurs contribuent à cette problématique. Lors de la consultation publique organisée par la la Commission sur le développement économique et urbain et l’habitation, entre 2019 et 2022, ( lien consultation) plusieurs points ont été mis en exergue de façon récurrente..

Tout d’abord, le coût élevé des loyers non résidentiels est devenu un obstacle à l’installation de nouveaux commerçants. La gentrification du quartier a fait grimper les prix et le jeu de la spéculation immobilière a dissuadé de nombreux artisans et commerçant de s’implanter dans le quartier. La menace de fermeture de la librairie S.W. Welch en 2021 a suscité un tollé public, mettant en évidence les rapports de conflits entre petits commerçants et propriétaires immobiliers. Ces pratiques ont transformé le Mile-End en forçant la fermeture ou le déménagement de plusieurs commerçants comme la boulangerie Clarke, la pâtisserie Chez De Gaulle et le café Cagibi.

C’est la non-existence d’une régulation des baux commerciaux qui permet aux propriétaires d’augmenter rapidement et considérablement les loyers forçant l’éviction de certains petits commerçants indépendants. Lors de la consultation publique, plusieurs acteurs ont suggéré de réguler les baux commerciaux en créant une entité comme une « Régie des locaux commerciaux » sur le modèle de la « Régie du logement » ou encore en proposant l’adoption de nouveaux règlements municipaux pour assurer des conditions équitables entre propriétaires et locataires.

Une autre cause de la vacance commerciale est le manque de soutien financier de la ville et le fardeau fiscal des taxes non résidentielles pour les propriétaires, le taux de ces taxes place Montréal comme étant la ville du pays qui a la plus haute d’imposition foncière commerciale d’après une analyse du Groupe Altus effectuée en 2019. Plusieurs acteurs lors de la consultation ont recommandé des mesures de soutien financier, y compris la réduction des taxes foncières sur les immeubles non résidentiels pour soulager la fiscalité des propriétaires qui la reporte sur les commerçants.

La pandémie de COVID-19 a eu aussi un impact important qui est encore difficilement mesurable sur la pérennité des commerçants, forçant certains indépendants à fermer leurs portes définitivement. Les restrictions sanitaires, les confinements, le changement des habitudes de consommation et le commerce en ligne ont laissé de nombreuses devantures vides et durablement vacantes.

Si la gentrification a façonné le Mile-End d’aujourd’hui, elle n’a pas étouffé l’esprit de la communauté qui reste très présente dans le quartier (liens ressources). Alors que de nombreuses petites entreprises ont disparu, de nouvelles ont émergé, reflétant la diversité et la créativité qui font la richesse de ce quartier et les tensions ont également stimulé le dialogue et la mobilisation communautaire. Le Mile-End est un exemple de ce qui se passe dans de nombreuses villes du monde entier. Les quartiers sont en évolution constante et reflètent les luttes entre le passé et l’avenir, entre la tradition et le changement. Alors que les promoteurs immobiliers spéculent et que de nouveaux résidents affluent, le quartier continue de se réinventer, la question qui demeure est de savoir comment.

1. Cartographie des locaux vacants dans le Mile-End réalisé à partir d’observation dans le quartier et à partir du site de la ville de Montréal vuesurlesdonnees.montreal.ca
Les localisations ont été mises à jour au début de l’été 2023.

2. Répartition des locaux commerciaux par usages – ville de Montréal, vuesurlesdonnees.montreal.ca
Le nombre de locaux vacants dans le Mile-End s’élevait à 174 au 8 novembre 2022.

3. Sous-catégories d’usages des locaux commerciaux
ville de Montréal vuesurlesdonnees.montreal.ca (8 novembre 2022).