Nos données sont aujourd’hui disséminées dans les réseaux sociaux, elles incluent des renseignements sur nos interactions sociales et engagent des tiers. Ces interactions entre individus et organisations peuvent être collectées et archivées, la notion même de vie privée s’en trouves modifiée : elle a cessé d’être un droit individuel pour devenir l’objet d’une négociation collective. Notre vie privée est encastrée dans un tissu social, et désormais « il n’y a rien de plus collectif qu’une donnée personnelle » (Casilli, 2018).

Ce projet de création porte sur la matérialisation de ce tissu social. Dans le Mile End à Montréal de nombreux commerces de proximités qui contribuent à la vie de quartier disparaissent peu à peu des grandes artères commerciales et sont laissé vacants. Ce phénomène touche de plus en plus de ville à travers le monde, New York, Paris et Londres ont déjà commencé à prendre des mesures pour endiguer ce phénomène. L’origine est multifactoriel ; spéculation immobilière, un bâtiment laissé vide à plus de valeur, défiscalisation, augmentation des taxes, hausse des loyers, manque de législation sur les baux des commerces, concurrence avec la vente en ligne et depuis 2020 le COVID-19 viens de créer une accélération exponentiel du phénomène. Ces commerces de quartier ferme définitivement mais leurs activités passés sur Internet laissent des traces sont toujours visibles . Il est possible de retrouver avec des outils d’investigation de « Data Journalism » l’ensemble des données concernant leurs interactions avec des acteurs locaux (entreprises, particuliers, institutions…). Ces liens sont toujours archivés dans les réseaux sociaux et ils témoignent des vestiges d’une activité autrefois foisonnante. Ils tissent des trames qui forment un univers métaphorique très riche, et qui surprends visuellement par son ampleur. Ils permettent de prendre conscience de l’importance de la place qu’occupent ces petits commerces dans notre société.

Ce tissu social cartographie les liens d’affinité d’une douzaine de commerçants qui ont définitivement fermé dans le Mile-End dont la pâtisserie Chez De Gaulle, Le Cagibi, La Société textile, le restaurant Herman, etc. Il se compose de 157 224 liens unissant 10 778 organismes, entreprises, commerçants, artisans, particuliers, artistes, etc. Il prend la forme de structure en réseau nodale organisée en fonction des interactions observées entre les acteurs dans les réseaux sociaux : la fréquence des publications, le nombre de fois où un commerce est mentionné par les autres, le nombre de « Like »… Des algorithmes scientifiques de visualisation de données permettent ensuite de révéler des motifs autrement cachés : les organismes les plus importants, avec le plus de connexions, sont noyés au milieu de la structure, tandis qu’en périphérie des motifs rassemblent les acteurs les moins connectés, leur donnant ainsi davantage de visibilité. Les liens tissent ensuite des trames qui créent une chronique visuelle et narrative. Ce travail d’investigation artistique contribue à cartographier un terrain social sans pour autant dessiner un territoire géographique.